Le palais de Timour à Shahrisabz :
L'Ak Saray ou "Palais Blanc" édifié de 1380 à 1404 ap J.C.
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Historique succinct
L'Ak Saray, ou "Palais Blanc" (Ak : blanc ; Saray : palais) de Timour se situe au nord de la ville historique de Shahrisabz. Le palais a été bâti entre 1380 et 1404 ap. J.C. par des "artisans" venus de divers pays de l'empire (Iran actuel, Ouzbékistan, etc.) dont le Khorezm que Timour venait tout juste de soumettre. Le bâtiment, achevé quelques mois avant la mort du conquérant, continua d'être utilisé durant les générations timourides, comme le confirme les carnets de Babur de la fin du XVème - début XVIème s ap. J.C. Le site sera progressivement abandonné à partir de la deuxième moitié du XVème s ap. J.C. à cause de l'arrivée au pouvoir des Shaybanides, une dynastie mongole qui écarta les derniers Timourides et fit de Boukhara sa capitale. Un séisme qui eu lieu en 1490 ap J.C. aurait altéré l'intégrité du bâtiment et accéléré son abandon (Дресвянская, 1993). L'emprise au sol du palais s'étire sur environ 250 m sur un axe nord-sud. Durant la période soviétique, l'espace correspondant était occupé par des bâtiments administratifs, dont les services de nettoyage de la ville situés à proximité des pylônes d'entrée et au-dessus des vestiges des bassins du palais qui furent mis au jour au début des années 2000. Après l'indépendance du pays en 1991, les trois quarts du site furent réaménagés en "Parc de la Victoire" dominé par une statue géante en bronze de Timour.
Plan de l'ensemble
Contrairement à ce qui fut annoncé dans le dossier d'inscription de Shahrisabz sur la Liste du Patrimoine Mondial de l'Unesco, on sait en 2009 qu'aucune donnée objective ne permet de dresser le plan de l’emprise au sol du palais comme nous l’a confirmé Mr Khayrilla Sultanov, l’un des archéologues qui a réalisé les sondages effectués au pied des pylônes en 1973 puis dans les années 1990 et qui a été consulté en septembre 2008 dans les locaux du Ministère de la Culture Ouzbek à Tachkent. Le document publié par M. Barry Lane et R. Lewcok en 1996 (Barry Lane, 1996) présente un plan de l’Ak Saray que l'on peut considérer comme une spéculation réalisée à partir des quelques paragraphes bien insuffisants du carnet de voyage entre 1403 et 1406 ap. J.C. de l’Ambassadeur du Roi de Castille, Ruy Gonzales de Clavijo (Gonzalez de Clavijo, préfacé par L.Kehren, 2006).
Un palais original et unique
A la différence de palais construits à Samarcande par le souverain et dont rien d'aérien ne subsiste, l’Ak Saray est situé intra-muros (dans la ville entourée d'une enceinte) et adossé au rempart dans l’angle Nord-Est de la cité. Timour à voulu faire de l’Ak-Saray une création unique à mi chemin entre les palais-jardins de Samarcande construits hors les murs mais ceints de hautes murailles (Kehren, 1991) et les palais-forteresses (Kok Saray ou « Palais Bleu » de Samarcande) construits intra-muros pour assurer des fonctions de "trésor de l'Etat" ou de prison (Blair et la, 1994; Golombek et al, 1988, Michelll, 1995; Stierlin, 2002). L’édifice servit de résidence occasionnelle à la cour lors de ses séjours dans la ville. Ruy Gonzalez de Clavijo, Ambassadeur du roi d'Espagne auprès de Timour ainsi que Babur, dernier souverain timouride, donnent une description succincte de ce qu’à dû être l'Ak Saray :
Selon Ruy Gonzalez de Clavijo : [...] Ce palais possède une longue façade avec un très haut portail. Aussitôt passé celui-ci, on voit, à droite, mais aussi à gauche, des arcades en briques, ornées de carreaux de faïence, placés en opposition, qui abritent de petites chambres dépourvues de porte, dont le sol est recouvert aussi de carreaux de faïence. Elles sont destinées à recevoir les gens, qui peuvent s’y asseoir, lorsque Timour Beg est présent. [...] En face, une autre porte, on passe dans une vaste cour aux dalles blanches, entourée d’arcades richement décorées, possédant au milieu un grand bassin rempli d’eau (Gonzalès de Clavijo, 2006).
Selon Babur : […] Pour tenir son conseil, il fit construire un grand portique pour lui-même et deux autres plus petits, à droite et à gauche du premier, pour faire siéger les begs (seigneurs ou hauts fonctionnaires) de son entourage et ceux du Conseil, et les consulter. Pour les plaignants et les consultants, il fit édifier sur chaque côté de cette salle du Conseil de petites alcôves. On cite peu d’exemples de voûtes de cette taille dans le monde. On dit qu’elle est plus grande que celle de Ctésiphon […] (Babur, 1980).
Les pylônes d'entrée
Il ne reste aujourd’hui du palais que les deux pylônes qui supportaient les voûtes de la porte monumentale située au nord de l’édifice et donnant sur la route de Samarcande. Les deux structures ont à l’heure actuelle une hauteur qui atteint 44 m pour le pylone Est. D’après l'estimation de l'expertise architecturale (Billard et Schvoerer-Ney, 2008) la plus grande des voûtes du portail devait atteindre 70 m de haut, surpassant largement tout ce qui avait été construit auparavant. Ces pylônes et leurs soubassements (Дресвянская, 1993) ont été construits en briques de terre cuite. Plusieurs escaliers les percent pour accéder aux différents niveaux de l’édifice. Ils sont ornés sur les trois-quart des faces Nord, Ouest et Est, de parements de carreaux de céramique glaçurée réalisés selon plusieurs techniques.
Sur les faces « externes » des pylônes les carreaux sont principalement de couleur bleu foncé, bleu clair à bleu turquoise et blanc. Entre les pylônes, subsistent deux iwans, qui dégagent des pièces en retrait, peu profondes et dépourvues de porte. La partie « interne » des pylônes porte une décoration plus riche qu'à l’extérieur, tant au niveau de la diversité des couleurs (violet, bleu, vert, or -sous forme de feuilles-, orange, rouge) que des motifs complexes parfois géométriques (calligraphie, végétaux, géométrie) (Schvoerer et al, 2001).
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Pavements et bassins décorés de carreaux de céramique glaçurée
En 1973-74 l’équipe archéologique de Khayrilla Sultanov a mis au jour environ 600 mètres carrés de pavements et bassins décorés de carreaux de céramique glaçurée, alors sous 1,5 à 2 m de sédiment. Ces pavements étaient connus depuis 1935. Trois zones ont été dégagées à l'intérieur du palais : deux au pied du pylône Ouest, la troisième au pied du pylône Est. Au terme des sondages, les pavements ont été recouverts de sédiment afin de les préserver. Ils furent ensuite remis au jour à la fin des années 1990 et des espaces furent aménagés (bordures consolidées, couverture en matériaux plastique transparent,..). Un parc occupe l'ancienne emprise au sol du palais.
Ces carreaux ont des formes et des dimensions diverses (rectangles, croix,...) selon leur emplacement (angle, bordure,...) et les tapis de motifs qu’ils forment. On distingue (Postel-Vinay, 2007) des carreaux à décor monochrome bleu clair, des carreaux à décor polychrome (violet, bleu, vert, jaune, orange, rouge, noir et blanc) et des carreaux décorés à la feuille d'or avec polychromie.
R.Gonzalez de Clavijo signale que passé le portail se trouve une cour dallée de carreaux glaçurés. Le plan et les motifs d'ensemble des pavements et des bassins sont difficile à interprêter étant donné l’importance des zones encore recouvertes, les désordres subis, les déformations du sol et le mauvais état de conservation d'une majorité de carreaux actuellement visibles. Certains laissent penser qu’il y avait aussi des citernes et que l'ensemble comportait peut être des fontaines et des jeux d’eau.
L'actualité : changement climatique et mesures d'urgence
L'automne 2007 fut pluvieux, l'hiver 2007-2008 anormalement froid, puisque la température est restée durant plusieurs semaines entre -30 et -35°C alors que d'habitude elle ne descend guère en dessous de -20°C. La conséquence est dramatique et nous avons constaté entre septembre 2007 et septembre 2008 une dégradation très nette des mortiers qui se sont désagrégés et des glaçures qui se sont décollées de leur substrat et émiettées. De l'avis unanime des responsables locaux, le phénomène est un évènement exceptionnel que l'on n'explique pas à moins d'évoquer un dérèglement météorologique résultant du changement climatique global en cours. Il nous a semblé urgent d'intervenir pour tenter de sauver ce qui peut encore l'être de ce site exceptionnel, inscrit rappelons le, sur la Liste du Patrimoine Mondial de l'Unesco.
Suivant nos recommandations, Mr Ravchan Kodirov, ingénieur responsable des sites de Shahrisabz et Mr Nabi Xushvaqtov, ont entrepris à la fin septembre 2008, le recouvrement des pavements et bassins repérés. Une couche de sable et de gravillons d'une épaisseur de l'ordre de 10 cm a été répandue sur les 3 zones dégagées ne laissant environ qu'un mètre carré visible sur chacune d'elle.
Bibliographie succincte
- BABUR M., 1980, Mémoires de Z. Muhammad Babur de 1494 à 1529, traduction JL Bacqué-Grammond, publications orientalistes de France, 90-93.
- BARRY LANE M., LEWCOCK R., 1996, Rebuilding the Silk Road, Cultural Tourism and Revival of Heritage in Uzbekistan, UNDP-UNESCO, Tashkent, 51 p.
- BILLARD A., SCHVOERER-NEY N., 2008, Diagnostic du risque d’instabilité en l’état actuel des « pylônes » du palais de l’Ak Saray à Shahrisabz (Ouzbékistan). Observations et études préliminaires, hypothèses et recommandations, 27 p
- BLAIR S., BlOOM J. M., 1994, The Art and Architecture of Islam, Yale University Press
- ДРЕСВЯНСКАЯ Г.Я., ЛУНИНА С.Б., СУЛТАНОВ Х.С., УСМАНОВА З.И., 1993, ШАХРИСЯБЗ, Часть II, 128 p.
- GOLOMBEK L., WILBER D, 1988, The Timurid Architecture of Iran and Turan, Princeton University Press, Princeton
- GONZALEZ DE CLAVIJO R, La route de Samarkand au temps de Tamerlan, Imprimerie nationale, 345 p
- KEHREN L., 1991, La Samarkand de Tamerlan : palais et jardins, in Etudes Orientales, XI-XII.
- MICHELL G., 1995, Architecture of the Islamic World, Thames and Hudson, London
- POSTEL-VINAY B., 2007, Rapport d'étude sur le palais de l'Ak Saray, Etat sanitaire et proposition de restauration, 12 p.
- SCHVOERER M., NEY C., BEN AMARA A., BOBIN O., 2001, La couleur bleue de l'Asie Centrale, Archéologia, 377, 8-9.
- STIERLIN H., 2002, L’art de l’islam en Orient, d’Ispahan au Taj Mahal, Editions Gründ, 320 p.
Liens
- Vue panoramique des pylones de l'Ak Saray : panoramique (nécessite flash player ou quick time). La vue est prise entre les 2 pylones, sans recul ce qui limite un peu la vue.
- Square kufic script (site de Mr George Potter), est un site avec l'extraction et l'interprétation des motifs en écriture coufique provenant de l'architecture. Le site présente aussi le coufique
sur d'autres supports. Site en anglais ou en farsi (iranien) : page des motifs de l'Ak Saray