Shahrisabz / Шахрисабз
Shahrisabz (Шахрисабз), "la ville verte", se situe à environ 70 km au sud de Samarcande, en Ouzbékistan. On y accède depuis Samarcande soit par la montagne (les contreforts du Pamir séparent les deux cités), soit par la route de Karshi, capitale de la province du Kashkadarya. Shahrisabz est au coeur d'une riche région agricole produisant notamment du coton et du gaz (20 % du gaz consommé en Europe en provient). La ville actuelle compte environ 60 000 habitants et est réputée pour son tissu urbain timouride qui lui a valut de figurer sur la Liste du Patrimoine Mondial de l'Unesco.
Altitude : 622 m. Coordonnées : 39°.1 N et 66°.8 E
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Le site de Shahrisabz (la « ville verte ») a été occupée durant le néolithique comme le montre le matériel lithique (flèches, bifaces, etc.) conservé au Musée Amir Temur de Shahrisabz. Plus tard, la cité est associée au site de Podaetak (complexe formé de Podaetak, Uzunkir et Sangirtepa) où les troupes d’Alexandre le Grand passèrent l'hiver entre 328 et 327 av J.C. Les fouilles ont permis de mettre au jour les structures archéologiques correspondantes, un peu à l’écart de la ville actuelle.
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La Kesh médiévale ("Kesh" qui plait au cœur), aussi appelée "Qubbat al-eleem va al-adab" (le dôme de la science et de l’éducation) est surtout célèbre pour avoir vu naître en avril 1346 ap J.C. Timour/Timur, fils du chef du clan des Barlas d’origine mongole. En souvenir de la ville où il grandit, Timur couvrit sa ville natale de bâtiments prestigieux, la transformant en une "2ème capitale". Malgré le prestige qu’il donna à sa cité natale, Samarcande resta la capitale officielle pour des raisons politiques et économiques, les routes de commerce (Routes de la Soie) y passant, contrairement à Shahrisabz un peu en retrait à cause du relief (il faut franchir la montagne pour aller de l’une à l’autre). Il y construisit un vaste palais, l’Ak Saray (le « palais blanc »), de nombreuses mosquées (Kok Gumbas, etc.), medersas (jusqu’à 40) ainsi que des tombeaux pour les saints locaux, sa famille (tombeau de Jahangir, etc.) et pour lui-même.
La beauté de ces édifices en grande partie disparue, nous est rapportée par des contemporains de Timour (l’ambassadeur Ruy Gonzalez de Clavijo), des voyageurs ou encore ses descendants (Babur).
Ruy Gonzales de Clavijo, décrira dans son carnet de voyage, la ville du début du XVème s ap J.C. telle qu’il la vit (Clavijo, 1995) : […] le lendemain, jeudi 28 aout, à l’heure de messe, nous entrâmes dans une ville appelée Kech qui se trouve dans une plaine. Elle est parcourue par des nombreux ruisseaux et des canaux. Elle est entourée par des jardins et des fermes. Près d’elle s’étendent des bourgs sur le sol plat qui l’environne. Cette contrée, riche en eaux et en prairies est très peuplée. Elle est jolie en été. Les terres de la plaine possèdent beaucoup de champs de blé, de vignes, des cultures de coton, de melons, ainsi que des vergers. La ville est protégée par un mur en terre qui en fait le tour, par des fossés et des portes à pont-levis.
Puis au XVIème ap J.C., Babur, descendant de Timur la mentionna dans ses carnets où il consignait régulièrement ses activités : Comme, au printemps, la campagne, les murailles et les toits de la ville deviennent d’un beau vert, Kech est aussi appelée Chahr-ï Sabz « Ville verte ». Comme c’était sa ville natale, Temur beg s’efforça et s’appliqua à faire de Kech une ville importante et une capitale. Il y a édifia de vastes constructions. Pour tenir son conseil il fit construire un grand portique pour lui-même et deux autres plus petits, à droite et à gauche du premier, pour faire siéger les begs de son entourage et ceux du Conseil, et les consulter. [...] Temur beg fit aussi construire à Kech des écoles et des tombeaux. [...] Comme Kech n’avait pas la même aptitude que Samarkand à devenir une grand ville, c’est finalement cette dernière que Temur beg avait choisit pour capitale.
La ville sera abandonnée progressivement à partir de la deuxième moitié du XVème s ap J.C. quand les Shaybanides (dynastie mongole qui créa le khanat Uzbek/Ouzbek) chassèrent les derniers Timourides et détruisirent une partie des constructions (dont l’Ak Saray), symboles de l’ancien pouvoir. La nouvelle dynastie fit de Boukhara sa capitale, reléguant Samarcande et Shahrisabz au rôle de cités de province (Sultanov, 1993). La ville fut conquise par les Russes en 1870 puis devint une cité soviétique en 1925. Shahrisabz est réputée à l’heure actuelle pour le travail de ses artisans (notamment la broderie) et son héritage Timouride, toute la ville ancienne ayant été classée depuis 2000 sur la Liste du Patrimoine Mondial de l’Unesco.
Repères bibliographiques
- BLAIR S., BLOOM J., 1996, The art and architecture of Islam, Yale University Press, New ed., 396 p.
- Communications privées avec N.Xushvaqtov, R.Kodirov et M.Sultanov, 2007 et 2008
- ELOUARD D, 1999, Le souffle brûlant des conquêtes, Ulysse, mars/avril 1999, T1737, 56-59.
- ETTINGHAUSN R., GRABAR O., JENKINS-MADINA M., 2002, Islamic Art and architecture 650-1250, Yale University Press, 2nd ed., 352 p.
- GOLOMBEK L., WILBER D, 1988, The Timurid Architecture of Iran and Turan, Princeton University Press, Princeton
- GONZALEZ DE CLAVIJO R., 2006, La route de Samarkand au temps de Tamerlan, Imprimerie nationale, 345 p.
- MICHELL G., 1995, Architecture of the Islamic World, Thames and Hudson, London